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Planification éolien en mer


ENGIE et Siemens Gamesa : entraves puissantes de la filière offshore avec l’aval de Bercy


Rennes, le 25 juillet 2023


Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République

PDR/CP/BCP/BR/E102064

         

Monsieur le Président de la République,

A l’origine, un appel d’offres pour lancer la filière française, une répartition égale entre deux turbiniers fleurons français: Alstom et Areva, des investissements en vue d’une implantation industrielle en Manche et Loire-Atlantique pour le premier et en Seine-Maritime pour le second. Depuis ? L’ubérisation, plus précisément la sgowisation (Siemens Gamesa Ocean Winds Files) de la filière, avec : dilapidation des finances publiques, dégradation du bénéfice pour l’industrie, irrespect des objectifs climatiques et déconnection complète des exigences du marché, interroge.

L’intérêt mercantile d’ENGIE, à travers elle du gouvernement, pour le gaz naturel liquéfié (GNL _ super polluant) prévaut-il depuis 2014 sur l’intérêt général de la Nation à produire assez d’électricité décarbonée pour soutenir l’intense électrification des usages à 2030 ?

L’État possède 23,64% du capital et 33,78% des droits de vote d’ENGIE au 31 mai 2023.
Dans sa décision n° 01-40-20 du 19 mai 2022 portant sanction pécuniaire (80 K€) à l’encontre de la société ENGIE pour non- respect du règlement (UE) n° 1227/2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie (REMIT), le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de Régulation de l’Énergie (CoRDiS) décrit ainsi l’entité : « ENGIE est l’un des acteurs principaux du secteur de l’énergie en France et présente par ses opérations et ses intérêts, une dimension internationale au sein de l’Union européenne et à l’extérieur de celle-ci », ce que ne conteste pas ENGIE qui indique « avoir pleinement conscience de l’importance de son rôle sur le marché et l’impact que pourrait avoir un manquement de sa part aux obligations prévues par le règlement REMIT. »

Par ses statuts, depuis l’assemblée générale du 14 mai 2020, l’entité se décrit ainsi : « La raison d’être d’ENGIE, c’est d’agir pour accélérer la transition vers une économie neutre en carbone, par des solutions plus sobres en énergie et plus respectueuses de l’environnement. Cette raison d’être rassemble l’entreprise, ses salariés, ses clients et ses actionnaires et concilie performance économique et impact positif sur les personnes et la planète. L’action d’ENGIE s’apprécie dans sa globalité et dans la durée. » Pourtant, ENGIE, d’abord en partenariat avec EDPR en 2013 puis en co-entreprise avec cette dernière à compter de 2019 sous le nom d’Ocean Winds, lauréat 2013 des parcs offshore YEU/NOIRMOUTIER et DIEPPE-LE TRÉPORT, prend en avril 2023 la décision finale d’investissement sur le parc YEU/NOIRMOUTIER et prendra d’ici la fin de l’année 2023 celle concernant le parc DIEPPE-LE TRÉPORT. Ces parcs, en projet depuis 2013, entreront en service en 2025-2027 avec chacun 62 éoliennes de 8MW pour des parcs de 496MW de puissance. Siemens Gamesa a en charge la production des éoliennes de 8MW des deux parcs qui, ni l’un ni l’autre ne sont présentement en travaux.

Fait troublant, Monsieur le Président, dès 2019, ENGIE qui « agit pour accélérer la transition vers une économie neutre en carbone » selon ses statuts, valide le MORAY WEST PROJECT (Écosse) via Ocean Winds avec pour fournisseur d’éoliennes : Siemens Gamesa soit le même montage industriel que pour les parcs français YEU/NOIRMOUTIER et DIEPPE-LE TRÉPORT. Cependant, le « montage écossais » est moins cher, mis en service plus tôt, plus puissant (indépendance énergétique/baisse des factures énergétiques) et plus éloigné des côtes (préservation de la pêche artisanale et de la biodiversité). En effet, ENGIE commande pour MORAY WEST PROJECT dès 2019 auprès de Siemens 
Gamesa, 60 turbines de 14,7MW (SG 14-222 DD) posées. Par contre, pour le « montage français », elle commande auprès de Siemens Gamesa 2 paires de 62 éoliennes de 8MW posées près de deux fois inférieures en puissance.

Autre fait troublant, Monsieur le Président, en 2019, au moment où ENGIE, l’acteur majeur français de l’énergie qui s’identifie comme « accélérateur de la transition vers une économie neutre en carbone », commande ses turbines ultra puissantes de 14,7MW dans une usine étrangère de Siemens Gamesa, l’usine de Siemens Gamesa du Havre à laquelle elle commande ses turbines éoliennes 8MW archaïques et sous-productives pour les deux parcs français n’est pas encore construite. En fait, le permis de construire n’a pas encore été déposé et la construction de l’usine ne démarrera qu’en juin 2020. La construction de l’usine Siemens Gamesa du Havre qui va produire des turbines éoliennes archaïques et sous-productives de 7-8MW pour 2025-2027 alors qu’à l’étranger, dans ses usines, Siemens Gamesa produit des turbines éoliennes de 14,7MW pour MORWAY WEST PROJETCT (2024) , passe d’abord par le financement de l’aménagement du port du Havre (146,7M€) , soutenu à hauteur de 60% par la dépense publique : 78,5M€ par les acteurs publics (État 48M€, Région Normandie 16M€, Communauté urbaine du Havre 12,4M€, Ville du Havre 2M€, Chambre de Commerce et d’Industrie 0,1M€), et 68,2M€ par le Grand port maritime du Havre. Combien coûtera la mise à niveau de l’usine ?

Ainsi, ENGIE et l’État, en 2019, avant même le dépôt de permis de construire de l’usine de Siemens Gamesa du Havre qui doit construire les éoliennes des parcs de : SAINT-BRIEUC, YEU/NOIRMOUTIER, DIEPPE-LE TRÉPORT, COURSEULLES SUR MER et FÉCAMP, savent que la dépense publique est dilapidée sur cette usine qui va nécessiter très rapidement une actualisation de son outil de production. Si la filière offshore, l’industrie verte, comptent se développer, elles doivent être en capacité de suivre le marché. D’ailleurs, GE Renewable Energy, dès 2018, officialise sa décision de moderniser sur cinq ans ses outils de production en injectant plus de 46 millions d’euros sur le site de Saint-Nazaire et 75 millions sur celui de Cherbourg. Au niveau de la Seine-Maritime, rien n’est pensé.

ENGIE, en partie détenue par l’État, peut-elle appeler à « une Europe de l’énergie » en « misant sur les avantages stratégiques du gaz » et en même temps installant une sgowisation au détriment de l’offshore, en osant mettre en service en 2025-2027, des parcs offshores archaïques en France alors qu’hors union européenne, elle installe rapidement, en accord avec ses statuts, des éoliennes puissantes produites par le même turbinier ? Turbinier qui bénéficie grandement de l’absence de maîtrise des finances publiques françaises. L’appât du gain lié à une demande soutenue en GNL peut-elle pousser l’exécutif à garder les yeux fermés sur une réalité entravant la France dans l’atteinte de ses objectifs énergétiques, socioindustriels, biodiversitaires et climatiques à 2030 ?

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma considération.

Thilo HANE
Consultante Place du Vivant

Copie :

Madame Nathalie LHAYANI, Présidente du Forum pour l’Investissement Responsable 
  • Coordination en mars 2023 de 16 actionnaires européens d’ENGIE dans leur proposition d’une résolution climatique externe en vue de l’obtention de plus d’informations pour évaluer la propension de la stratégie du groupe à s’aligner sur l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

Collège des parlementaires du Conseil Supérieur de l’Énergie
  • Monsieur Jean-Luc FUGIT, Député (Renaissance), Président ; 
  • Madame Sabrina SEBAIHI, Députée (EELV) ; 
  • Madame Anne-Cécile VIOLLAND, Députée (Horizons) ; 
  • Madame Denise SAINT-PÉ, Sénatrice (MoDem), Vice-présidente ; 
  • Monsieur Daniel GREMILLET, Sénateur (LR) ;
  • Monsieur Franck MONTAUGÉ, Sénateur (PS)

Monsieur François BAYROU, Haut-commissaire au Plan, Président du Mouvement démocrate

Monsieur Edouard PHILIPPE, Maire du Havre, Président d’Horizons

Monsieur Pierre MOSCOVICI, ancien Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté
industrielle et numérique de la France, Premier Président de la Cour des Comptes

Madame Céline FORNARO, membre du conseil d’administration de la société ENGIE en qualité de 
représentante de l’État


Dossier :


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